A Cannes tu ne souriras point !

Publié le par B+

En 1999, le troisième week-end de mai à 20h20 Jean Pierre Lavoignat (co-fondateur de Studio magazine et chroniqueur cinéma sur Canal+ à l’époque) est interviewé par une journaliste à la sortie du palais des festival après la cérémonie de clôture. Cette nouille de Jean-Pierre Lavoignat (ah oui j’ai oublié de vous dire que je n’aimais pas Jean-Pierre Lavoignat, je veux dire professionnellement, dans la vie c’est sûrement quelqu’un de charmant allez savoir !) est offusqué, que dis-je offusqué il est hors de lui, atterré, il tombe de haut, il manque de s’étouffer avec son toast. Qu’est-ce qui a bien pu mettre ce pauvre Jean-Pierre dans pareil état ? Qu’est-ce qui l’a meurtri dans sa chair et dans son sang au point de lui faire déverser tant de colère sur la caméra ? Allons Jipé mon petit calme toi enfin ! Ce qui a fait trembler de rage notre ami Jipéel c’est tout simplement le palmarès. Horreur ! Le jury du festival présidé par David Cronenberg vient de donner la palme d’or et le prix d’interprétation féminine à “Rosetta” des frères Dardenne interprétée par Emilie Dequenne. Pire que tout, ce même jury présidé par ce même David Cronenberg pousse le bouchon en consacrant aussi “L’humanité” de Bruno Dumont avec le grand prix du jury et un double prix d’interprétation pour Séverine Caneele et Emmanuel Schotte. Alors Jipé il s’énerve grave : “Non mais Cannes c’est pas ça ! Cannes c’est les paillettes, c’est les stars, les marches, le champagne !” (je restitue ses propos comme ma mémoire me les retransmets, mais c’est vrai que je suis à deux doigts de déformer légèrement en ajoutant : “Cannes c’est les soirées avec mes amis célèbres où on se tartine le cul de fois gras en se shampouinant la bite au caviar !”  mais je n’en ferais rien.) la journaliste calmement lui répond : “David Cronenberg a voulu faire du social” et là Juan Pedro Del Lavoignos lève son crâne haut vers le ciel, redresse son menton, darde sa moustache et avec tout le dédain du monde lâche : “ Du social ! parce qu’il fait des films social lui peut-être !”

Voilà le drame de la vie, si vous êtes boulanger, ne vous avisez surtout pas de décerner le prix du meilleur saucisson, n’essayez même pas de dire que vous appréciez la charcuterie, on vous le renverra à la gueule avec mépris. C’est vrai ça, de quel droit un rouleur de croissant se permet d’aimer l’andouillette de Troie ! Il avait raison Jan Peter Laävoynaä, chaque chose à sa place et Panurge sera bien gardé par ses moutons !
 
Il y a une dizaine de jours, lors d’un entretien avec la presse, Sean Penn, président du jury du 61ème festival de Cannes à osé déclarer ceci : “Je regrette juste qu'il n'y ait pas plus de comédies dans la compétition. C'est vraisemblablement lié à la défiance des distributeurs, qui craignent que l'exposition cannoise nuise à leur film, et c'est dommage. Et puis il y a un snobisme qui voudrait qu'une comédie ne peut pas être un grand film. Mais c'est faux : il y a aujourd'hui une floraisons de comédies incroyables, aux Etats-Unis du moins. Ça m'aurait plu de découvrir ce que ce genre produit dans le reste du monde.”

Vade retro Seananas ! Qu’est-ce qu’il n’avait pas dit le pauvre Sean Penn ! Oulalalalalala ! Mon dieu mon dieu ! Dis donc Sean, espèce d’enfoiré, faudrait pas que t’oublie ce que tu représentes ! Tu es Sean Penn, ton rôle c’est de parler de cinéma politique et de nous éclairer de ton engagement, certainement pas de déplorer l’absence de comédies. C’est clair qu’un gars comme Sean Penn ça ne bouffe pas de ce pain là, un gars comme Sean Penn c’est forcément du John Cassavetes au petit déjeuner, une bonne tranche d’Andreï Tarkovsky à midi, un bol de Ken Loach au goûter, une assiette de Peter Watkins au dîner et un doigt de Michael Moore en digestif ! (D'ailleurs faudrait qu'il arrête de dire partout qu'il n'est pas cinéphile !) C’est pas du genre à manger gras, le cinéma cholestérol il ne connaît pas, c’est clair ! Non Sean Penn c’est l’artiste de gauche type, le gars qui va en Irak pour comprendre pourquoi son président veux taper sur ces gens, l’acteur blacklisté par l’administration Bush, c’est pas le gars qui regarde une bonne grosse comédie en buvant des bières avec ses potes, non, assurément pas ! Chacun son rôle, sinon on aurait demandé à Bernard Menez de le présider ce festival !

Heureusement toute la presse bien pensante avait oublié qu’il y a quelques années Sean Penn défilait sur les tabloïd à coup de cuites et de gnons collés dans la face de sa compagne. Pas très glamour à l’époque le Sean, pas très classe politiquement non plus, il avait pas trop la Ché attitude ! En même temps ça aurait été drôle un président du jury complètement défoncé, même Edouard Baer aurait eu du mal à se sentir à l’aise à la cérémonie ! Bon c’est vrai je m’énerve pardon, je m’énerve et donc je râle parce que j’aime énormément Sean Penn, j’aime le comédien, je crois que c’est le seul comédien qui m’ai fait pleurer du simple fait de la perfection impalpable de son interprétation, dans “Mystic River” de Clint Eastwood. J’aime le cinéaste aussi, je trouve personnellement que c’est un très grand réalisateur. J’aime l’image que renvois ses actes, mais pour moi il ne s’agit pas de politique, c’est de l’humanisme. Sean Penn est un humaniste engagé.

Sean Penn n’a pas été invité à présider un congrès sur l’avenir du monde, il a été invité à présider un festival de cinéma. Sean Penn n’est pas un homme politique, c’est un homme avec des opinions politiques affirmés, mais dans une logique humaniste palpable, il suffit de voire ses films pour s’en convaincre. Depuis 1999 et la palme de “Rosetta” tout le monde voudrait que Cannes se fasse le reflet d’un engagement politique et social. En 2004, la palme décerné à Michael Moore était le point culminant de cette volonté. Mais pourquoi refuser l’acte de créer comme un engagement en soi ? Pourquoi le simple fait de présenter une oeuvre ne serait pas déjà une volonté d’agir le monde ? Pourquoi on n'accepte plus qu’une des vocation de l’art est de changer le monde. Paul Klee disait “l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible”, qu’en est-il aujourd’hui de cette phrase ? Agite t-elle encore du sens ?

Je n’ai pas suivi le banquet d’après Cannes hier soir, je ne sais si Jean-Pierre Lavoignat à été interviewé sur le palmarès, mais je suis sur qu’il serait capable de sortir aujourd’hui un truc du genre : ”C’est formidable d’avoir donné la palme à Laurent Cantet, c’est important de faire du social aujourd’hui !!!!!” Après il n’y a que les imbéciles qui ne change pas d’avis, ça n’a rien à voir avec l’effet de mode, non rien du tout. Oups mais j'oubliais que je ne travaille pas dans l'industrie du cinéma ! Bordel mais qui je suis pour oser parler de cinéma !!

Bon allez je retourne voire les Ch’tis au ciné !


B+

Edit : Lors de la première publication de cette article, j'ai oublié de préciser que ce râlage m'était venu suite à l'écoute de l'émission "le masque et la plume" du dimanche 25 mai 2008. J''ai été effectivement relativement agacé par la manière de certains critiques d'attaquer Sean Penn bêtement (de mon point de vue). Voilà qui est dit.

Publié dans Cinéma

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C
Balthazar, je viens de voir Sexe, mensonges et video. Une bloggouilagerie consacrée à ce flim s'impose. Je n'arrive pas à croire qu'il ait eu la palme et un prix d'interprétation masculine (qui d'ailleurs ?). Et en plus on ne voit même pas Andie Mc Dowell nue. Ce flim m'a déçu. Et tu te dois de bloggallouiger à son propos.
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B
les meilleures intentions aussi c'était vachement bien
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B
moi j'ai bien aimé Pelle le conquérant<br /> d'ailleurs c'est moi qui l'ai fait
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L
pour ma part j'aurais décerné la Palme à Frère des ours
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B
J'étais étonné, déjà 6 jours et pas de JJA à l'horizon ! Me voilà rassuré !
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