Le Limonaire, Reno Bistan et Jeanne Garraud

Publié le par B+

Hier soir j’ai traîné de force mon ami M (il est tellement dévoué à la cause de son travail que j’ai du aller le chercher dans son bureau où il s’était enchaîné à son ordinateur) au Limonaire, petit bistro resto chanson du 9ème arrondissement. Ce qui vraisemblablement était un calvaire pour mon ami M (non mais il ne voulait pas me donner la clé de la chaîne j’ai du trouver une scie à métaux pour en venir à bout) était une grande joie pour moi. Non seulement j’allais enfin voir Jeanne Garraud et en prime mon ami Reno Bistan en concert. Ce n’est certainement pas la mine usée par la dévotion travailleuse de mon ami M qui allait gâcher ma joie, oh il pouvait bien me faire ses yeux de cocker neurasthénique, qu’il le veuille ou non il cesserait toute activité rémunérée sur le champ pour m’accompagner. J’ai bien tenté d’appuyer sur la corde affective en lui rappelant qu’autrefois lui aussi il était chanteur et que ça lui aurait fait plaisir que ses amis viennent l’écouter, mais il a beau faire toujours plus jeune que son âge, dans sa tête les rêves de paillettes ont vieillit et se sont changés en désir de possession matériel, piscine, jacuzzi, villa, yacht, jet privé et tutti quanti… Ah il est loin le temps ou il participait à la finale inter régional des sosies de Jean Jacques Goldman ; sa Gibson ne le fait plus trop saigner ! J’ai du céder et lui promettre qu’on irait faire un tour au Virgin des Grands Boulevard pour qu’il puisse user sa CB sur une avalanche de DVD avant d’aller au Limonaire. A 20h30, après avoir retourné tout Virgin, nous y étions enfin !

Je n’étais jamais venu au Limonaire et j’ai été particulièrement séduit par le lieu. C’est une des choses que j’aime le plus à Paris : le temps de traverser une rue on peut glisser d’un monde à l’autre sans s’en rendre compte. A deux pas des Grands Boulevards, là où l’agitation brûle, au cœur de la citée Bergère, on traverse une arche et on se retrouve dans une rue aux allures de cour isolée où se tient paisiblement une terrasse pleines de gens souriants. La bise à l’ami Reno et nous demandons à une des charmantes serveuses si nous pouvons manger dehors. Tout a l’air pris mais elle nous installe à une table où un monsieur tout seul accepte notre présence. Nous faisons alors connaissance avec David, juriste américain qui travaille pour une entreprise nucléaire Française, de passage à Paris pour le boulot et véritable amoureux de la France (il habite dans la banlieue de Washington, c’est à dire à 400 km de DC !). Ce n’est pas tous les jours qu’on croise un américain nucléaire dans un bistro à chanson ! Passé un excellent gaspacho et un délicieux confit de porc aux petits légumes, passé des choses et d’autres et des bribes de discutions à droite à gauche, passé le sourire radieux de notre serveuse, le Limonaire va pouvoir se transformer. La formule est simple, le Limonaire est un restaurant, mais à 22h00, le service s’arrête et ça devient un lieu d’écoute, un lieu de concert. Ce soir il y aura trois artistes qui se succéderont sur scène : Sabine Drabowitch, mon ami Reno Bistan et Jeanne Garraud.

Je n’ai pas été touché par Sabine Drabowitch, mais je n’ai rien de désagréable à dire sur son travail, elle vit pleinement ses chansons et sa sincérité est palpable. A la fin de son set, mon ami Reno est arrivé sur scène avec son petit accordéon et sa guitare…

Flash back : Avant de s’appeler Reno Bistan, Reno s’appelait Renaud Pierre, nom et prénom qui figure d’ailleurs toujours à son état civil pour ce que j’en sais ! Renaud était le chanteur auteur compositeur d’un groupe Croix Roussiens (pas Lyonnais hein, Croix Roussiens !), le groupe Bistanclaque. Oui j’ai déjà évoqué ce nom dans mon article sur
Martin et ses antécédents*, le monde est petit ! J’ai du assister à toutes les modulations et transformations de Bistanclaque depuis tant d’année que j’aurais du mal à compter (il y a eu Bistanclaque 2, Bistanclaque 3, Bistanclaque 4, puis Bistanclaque 3 bis, Bistanclaque 2 bis et enfin Reno Bistan, Bistan one quoi !), de l’enregistrement du premier album « Pan ! » (Où j’ai poussé quelques chœurs sur le tube de l’époque « bienvenue à la Croix Rousse »), en passant par la naissance du festival des nuits de la pierre bleue (festival dont il faudra que je parle un jour, mais cette année je l’ai encore raté lamentablement), en passant par l’enregistrement de l’album de mon groupe de l’époque « La petite bande » (où Renaud m’avait prêté sa voix pour un duo et ses musiciens pour quelques chansons), en passant par de nombreux concerts partagés, de nombreuses parties de coinches, des rires, des larmes, des engueulades, des joies, de bonheur, en passant par leur dernier et magnifique album « longtemps nous nous sommes couchés tard… » (dont j’ai réalisé la pochette et n’en déplaise à ses détracteur, j’en suis très fier !), jusqu’à la séparation du groupe lors du deuxième tour des élections présidentielle de 2007 (il n’y a aucun lien de causes à effet, mais le dernier concert de Bistanclaque que j’ai vu de ma vie s’est terminé par une victoire de Sarkozy, c’est dire si c’était un triste jour !). Bref, je pourrais presque écrire un roman sur Bistanclaque en toute modestie ! Les Bistanclaque séparés, Renaud à décidé de poursuivre l’aventure en solo et il a bien fait.

Bien que je connaisse son répertoire par cœur, Reno Bistan m’a profondément ému ce soir. C’est la première fois que je le voyais seul sur scène et cette solitude lui va bien. Renaud a toujours été très attaché à la tradition orale, à la mémoire des langues, au principe de partage simple entre convive d’une musique à voyager. Il a un don pour rendre unique un instant de partage avec le public et libéré des contraintes de groupes et de son, a capela avec sa guitare ou son accordéon, l’échange est instantané. Qu’il raconte ses amours contrariés avec la distance de l’autodérision où qu’il sème une graine de mémoire (il sait combien j’aime «
l’ancienne » sans doute sa plus belle chanson) ou une pincée d’acidité il nous touche instantanément.  Bien sur, je manque un tantinet d’objectivité, je suis et aime son travail depuis tant d’années que je ne vais certainement pas en dire du mal, ou alors en privé en face de lui, personne n’est parfait et personne n’écrit des chef d’œuvres à tous les coups, mais justement, je pourrais être usé de les avoir trop écouté ces chansons et il n’en est rien. Ce soir je les ais entendu comme la première fois, attendri avec un rire au bord des yeux. Il revêt enfin un véritable habit de troubadour du présent, colporteur d’histoires nécessaires, résistant de l’oralité, poète tout simplement. Alors qu’il continu à transformer ses doutes en chansons et qu’elle nous parviennent vite.

Un petit tour sur son myspace pour vous faire une idée :
Reno Bistan en espérant qu'il ajoute bientôt d'autres enregistrements.

Puis Jeanne Garraud est arrivée…

Flash back : Je l’ai découverte lors des derniers concerts de mon ami Martin à Lyon où elle partageait la scène avec lui offrant à « histoire en forme d’infini » quelques duos inédits impressionnants. Pour en avoir fait l’expérience, je vous assure que chanter en duo avec Martin sur une scène n’est pas forcément de tout repos, c’est qu’il prend de la place le Martin ! Jeanne était arrivée à une sorte d’osmose quasi parfaite et j’ai encore des tremblements en pensant à leur duo canonique sur « Jean misère » à tel point que je suis retourné voir le spectacle une deuxième fois (ce n'est pas tout à fait vrai si on considère le nombre de fois où j’ai vu ce spectacle dans ma vie, une deuxième fois avec Jeanne donc !). Ce deuxième soir, il y avait la percussionniste de Jeanne, Vanessa Garcia sur scène avec eux et c’est une sacré musicienne. C’est dire si j’étais impatient de voir le duo Jeanne Vanessa sur scène avec leur propre répertoire.

Il y a quelque chose d’instantanément acquit chez Jeanne Garraud lorsqu’elle monte sur une scène, sa beauté simple et son sourire sincère qui illumine d’un regard. Quand elle a demandé à l’assemblée : « Est-ce que quelqu’un comprend quelque chose à l’amour ? », j’avais envie que ses yeux cherchent un bout de réponse dans les miens ! Non, je ne vais pas me faire tatouer « JG » sur le cœur, il n’y aura pas de poster de Jeanne Garraud au dessus de mon lit, ce ne sera pas une icône pop à fantasmer, je sais que je m’emballe pour un oui ou pour un non mais les frissons qui me parcourt à sa vue son clairement dans un rapport de spectateur à artiste. Ce que sa voix chante, les mots qui nous parviennent, la musique qui les danse, sont les coups de pinceau du tableau qu’elle nous présente : sa présence lumineuse. Mais le tableau serait inachevé sans les touches de couleur qu’apporte Vanessa Garcia aux compositions.  Ses percussions sont d’un autre monde, d’une autre saveur et elles soulèvent le phrasé de Jeanne avec une subtilité rare. Il y a quelque chose de magique dans son jeu, elle aussi vibre d’une présence lumineuse à tel point qu’il est difficile de les imaginer l’une sans l’autre, les voir jouer dos contre dos Jeanne au piano, Vanessa à la batterie est une douce image poétique de complicité et de partage échangé avec le public tendrement.

Allez poser une oreille par ici :
Jeanne Garraud personnellement je suis fou de "Boulevard" et de "La vie nous malmène".

J’ai passé une excellente soirée et s’il y en a qui ne savent pas trop quoi faire ce soir, réjouissez-vous, le Limonaire propose exactement la même affiche, samedi 5 juillet à 22h00 (Le Limonaire, 21 rue Bergère 75009 Paris, métro Grand Boulevard) et si vous arrivez plus tôt, vous pourrez profiter des qualités gastronomiques du lieu.

Bon j’ai été très bavard et vous me direz ce n’est que justice après une semaine de silence, mais en ce moment je suis investi dans un boulot qui me tiens à cœur et je n’ai pas le courage d’écrire en sortant du bureau, mais bon je ne suis pas non plus accroc à mon travail comme mon incurable ami M !

Allez bon week-end et belle soirée à ceux qui pousseront la curiosité jusqu’au Limonaire.


B+

* Au joie ! Sur son myspace :
Martin & ses antécedents Martin à eu l'excellente idée de mettre à l'écoute l'intro du concert à l'Arbresle "Comme un chien" dont je vous parlait il y a peu. Oui Martin, je fais clairement parti des émus !

Publié dans Musique

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C
Martin... mm... mouais... mais Ricochet sur Jabron ça oui! là oui!
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