Je vais vous parler d'une fille, chapitre 8.

Publié le par B+

Le soir dit, je me suis rendu au club 29, je n’y croyais plus, mais gardais, comme dans un pli de rêve, l’espoir minuscule de retrouver Prudence à l’endroit où je l’avais rencontré. J’avais déjà essayé le piano du cabaret, mais peut être que je n’avais pas essayé assez fort et de toute manière, même si je ne savais pas ce que Louis Boguin et ses invités attendaient exactement de moi, si je ne savais pas ce qu’ils imaginaient que j’allais faire avec, c’est le seul piano qu’il me serait possible d’approcher avant longtemps. Je n’avais rien à perdre. Lorsque j’ai présenté à l’ouvreuse le carton d’invitation que m’avait laissé Louis Boguin elle a suffoqué un sourire et m’a fait un geste coloré de ses doigts peints pour m’inviter à la suivre. Elle m’a emmené devant un grand rideau rouge et m’a demandé de patienter un instant. Elle a glissé sa silhouette nonchalante entre deux pans de velours pourpre et s’est penchée en avant laissant à ses fesses quelques secondes pour me saluer rondement. Elle s’est redressé et m’a tendu, en suffoquant à nouveau un sourire, un collier avec une clé et un petit paréo représentant une toile de Gauguin.

-    Les cabines sont par ici, sur la droite.
-    Les cabines ?
-    Oui pour déposer tous vos vêtements.
-    Tous mes vêtements ?
-    Oui c’est soirée décontractée ce soir.
-    Ah oui, c’est très décontracté !
-    Vous pouvez couvrir votre pudeur avec le paréo.

J’ai déplié la chose, ça mesurait cinquante centimètre à tout casser.

-    Oui, le paréo, très joli, j’aime beaucoup Gauguin, merci, mais vous savez, une feuille de vigne aurait suffit !

Elle a suffoqué un sourire qui s’est presque pouffé en rire. Je ne sais pas pourquoi, en temps normal j’aurais rebroussé chemin, la folie de l’espoir sans doute, mais j’ai joué le jeu. Je me suis mis à poil dans une cabine et me suis recouvert  d’un « Et l’or de leur corps » de Paul Gauguin à demi transparent. On aurait pu rêver meilleur musée pour une toile de maître ! Je suis ressorti dans ma tenue décontractée et la demoiselle aux sourires suffoqués m’a fait pénétrer derrière le rideau.

Le club 29 était transformé en musée de chair. Des Vermeer, des Cézanne, des Goya, des Blake, des Arcimboldo, des Picasso et même des Dubuffet se promenaient librement sous une paire de seins ou un torse velu. Il y en avait pour tous les goûts, des gros des maigres, des belles, des moches, certain portait bien Van Gogh, d’autre jurait un peu avec Botticelli. Au milieu de tout ces tableaux impudiques je l’ai aperçu, surmontant négligemment de son buste imbécile une forêt de Max Ernst, il était là, pavanant sa tête suffisante entre deux beautés idiotes qui buvaient ses paroles ineptes comme deux dindes assoiffées. Lui, Anatole Patamole Balamole !!! J’ai bondit au travers de la pièce abandonnant Gauguin dans mon élan. Nu comme un monstre enragé je me suis jeté sur lui. Hystérique je l’ai attrapé par le cou.

-    Dis moi comment on y retourne !
-    Monsieur mais lâchez-moi, qu’est-ce qui vous prends !
-    Montre moi par où il faut passer !
-    Je ne comprends rien, s’il vous plaît, un peu de tenu.
-    Je sais que tu mens sale théâtreux de merde, montre moi le passage où je jure que je t’étrangle.

Un Renoir gorille m’a agrippé les épaules et m’a violemment plaqué contre le sol vite secondé par Giacometti armoire à glace et Bacon patibulaire, pour me bloquer les bras et les jambes. Toutes les toiles avaient retrouvées leur immobilité. Le silence muséographique n’était troublé que par mes grognements. La voix de Louis Boguin est alors intervenu.

-    Ce n’est rien, ce n’est rien, chers amis, chères amies, ne vous inquiétez pas, tout va rentrer dans l’ordre. C’est juste que monsieur Chuchotte s’impatiente.

A la prononcée de mon nom, toute l’assemblée à poussé un soupir de soulagement. Vraisemblablement, j’étais l’attraction de la soirée.

-    Monsieur Chuchotte enfin, en voilà de drôle de manière, je comprends votre excitation, nous tous ici attendions ce moment avec impatience pour nous dénuder totalement ? Coquin que vous êtes !

A ces mots, des centaines d’œuvres d’arts sont tombées froissées sur le sol.

-    Monsieur Chuchotte, je vous prie de m’excuser, personne ne m’avait prévenu que vous étiez déjà parmi nous. Je suis vraiment confus, je comprends bien dans quel désarroi vous vous êtes retrouvé, mais ne vous inquiétez plus.

Il a fait signe aux trois costauds de me lâcher et ils en ont aussitôt profité pour se délester du poids de leurs tableaux. Ils avaient tous les trois des bites d’éléphants et je me suis senti un peu en trop dans la composition de l’espace.

-    Monsieur Chuchotte, regardez ! Il est là ! Il vous attend ! Il est tout à vous ! Faites nous rêver monsieur Chuchotte ! Faites nous peur ! Soyez au comble de votre perversité ! Lâchez-vous ! Faites nous jouir !

La foule s’est écartée et sur l’estrade, mon ouvreuse aux sourires suffoqués, désormais aussi décontracté que moi, a soulevé le grand drap qui recouvrait le piano. Je me suis avancé lentement, fébrilement, en priant, en suppliant dans ma tête, je n’osais détourner mon regard de l’instrument, il y avait une excitation générale telle que sans les voire je pouvais presque sentir les seins darder et les pénis se tendre, j’ai posé ma main tremblante sur le couvercle, je l’ai soulevé et un murmure quasi orgasmique est monté dans le club, je l’ai ouvert en grand et les respirations alentours sont devenu oppressantes de désir et… Miracle ! Le passage était ouvert. J’ai hurlé.

-    Prudence !

Mon cri a provoqué quelques évanouissements, sans doute je les avais mené malgré moi vers des zones de plaisirs insurmontables !

De toutes mes forces, j’ai sauté. Prudence ! Prudence ! J’arrive !

(à suivre...)


B+
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N
ça travaille... et tu travailles<br /> nos mues successives... on a combien de peaux, un vrai feuilleté, te bise
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B
Je vais m'efforcer de vivre quelques drames alors !
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B
y'a des chouettes trucs dans ton fourbi. Ca manque juste de drame, de vie.
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T
Ah bin, enfin, un peu d'érotisme...<br /> La suite, la suite!
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